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Un fleuve a-t-il une longue vie tranquille ?

L’eau douce représente moins de 2,5% de la totalité de l’eau sur le globe, dont moins de 1% sous forme liquide : fleuves, rivières, lacs et marécages, qui peut donc être utilisée par l’homme. Si chaque fleuve présente sa singularité en termes d’histoire, de géographie, ils sont depuis toujours indispensables à la vie des hommes, économique, sociale, mais aussi spirituelle. La mythologie grecque nous raconte que les fleuves abritent des divinités, les potamoi, nés de l’union du Titan Océan et de la déesse Téthys. Mais quelle place occupent aujourd’hui les fleuves dans nos sociétés ? En quoi leur vie est-elle perturbée ou encouragée par l’activité humaine ? En quoi changent-ils de visage et représentent-ils une opportunité pour mieux adresser les défis écologiques ?

Remontons à la source. Danube, Elbe, Saint Laurent, Seine, Rhône, Mékong, Nil, Fleuve Sénégal… quel point commun entre tous ces noms ? Ce sont des fleuves, avec à l’origine, une source d'eau voyageant sur des centaines voire des milliers de kilomètres jusqu’à la mer ou l’océan. Rejoints par des affluents qui les nourrissent, les fleuves façonnent le paysage et les territoires : à l’embouchure, ils se terminent soit en delta, avec de multiples bras sous l’influence dominante du fleuve, ou bien en estuaire, sous l’influence dominante de la mer. Le plus grand fleuve du monde est l’Amazone qui s’étend sur près de 6 900 kilomètres. Prenant sa source dans la cordillère des Andes, il traverse le Pérou, la Colombie et le Brésil, pour venir se jeter dans l’océan Atlantique. En France, on recense 5 grands fleuves : le Rhin, le Rhône, la Loire, la Seine et la Garonne, dont 4 qui naissent et se rejettent sur le territoire français, évitant ainsi toutes les éventuelles tensions transfrontalières liées à l’eau avec ses pays voisins; ce qui est une chance pour la France et peu la norme dans le monde. Ces 5 grands fleuves français représentent 8 500 kilomètres de voies navigables et 270 000 km de cours d’eau, ce qui en fait le premier réseau navigable d’Europe. Ces dernières années, inondations et sécheresses ont mis les cours d’eau à rude épreuve, à la fois sur les plans sédimentaire et des étiages. Un niveau extrêmement inquiétant des étiages a été atteint à l’été 2022 impliquant des restrictions d'usage de l'eau sur l’ensemble de l’Hexagone.

Les fleuves, véritables miroirs de notre société. Dans La Terre a soif (2022), l’écrivain français Erik Orsenna raconte son tour du monde des grands fleuves et réalise le portrait de 33 d’entre eux. Il estime que « les fleuves sont plus intéressants car si l’eau est une matière, les fleuves sont des êtres vivants ». Ils sont le reflet de notre société, de notre économie et, on l’a vu, parfois même de nos croyances. D’abord nourriciers, c’est à proximité des fleuves que les humains s’établissent. Déjà en Egypte ancienne, toute la civilisation s’est construite autour du Nil. Les fleuves sont aussi propices aux échanges et au commerce, à travers la navigation commerciale, ou encore au tourisme de croisières. Ils reflètent aujourd’hui tous nos maux : la pénurie mondiale d’eau, la multiplication de barrages et d’aménagements venant perturber les écoulements et les paysages, la pollution anthropique, et les hommes prenant bien souvent le fleuve pour un exutoire de poubelle et un déversoir de toutes leurs activités.

La santé des fleuves, un défi écologique majeur. Selon l’association Initiatives for the future of Great rivers, 80% des eaux usées sont directement rejetées dans l’environnement sans traitement et 90% des cours d’eau présentent de forte concentration en nitrates. Les fleuves recueillent ainsi à leur surface des déchets flottants et dans leur lit tous les déchets environnants. La pollution de dix grands fleuves est ainsi responsable de la plus grande partie de la pollution plastique des océans (90%). Ces cours d’eau sont asiatiques et africains, avec à leur tête le fleuve Yang-Tsé, en Chine. Parmi les principaux facteurs de pollution : l’agriculture, l’industrie, les rejets urbains et les résidus médicamenteux. Le fleuve le plus pollué au monde est le Citarum, en Indonésie, qui accumule déchets ménagers, métaux lourds et colorants, aux conséquences dramatiques pour l’homme (diminution des récoltes agricoles, épidémies) et pour la biodiversité (mortalité de la faune aquatique faute d’oxygène).

Des solutions innovantes. La meilleure protection des fleuves passe bien sûr par la réduction de ces pollutions le plus en amont avant qu’elles ne rejoignent les fleuves : l’usage d’engrais naturels et la collecte et le traitement des déchets notamment, mais aussi par des initiatives locales d’aménagement du lit et des berges des fleuves, visant la restauration écologique des habitats et la revitalisation des espèces. Les stations d’épuration jouent également depuis longtemps un rôle clé en assurant le traitement des eaux usées urbaines et industrielles afin de restituer aux fleuves une eau de qualité de niveau acceptable pour le fleuve. Les stations d’épuration recueillent les eaux pluviales et les eaux usées, décantent cette eau et « digèrent » la pollution en retirant les déchets organiques et physico-chimiques, les huiles, les grains de sable, jusqu’aux plus petites particules. Si les stations n’ont pas été initialement conçues pour traiter les polluants émergents tels que les micropolluants, des solutions se développent pour les traiter. Rappelez-vous, dans le quiz Culture Green dédié à ce sujet : Veolia développe par exemple une technique basée sur le recours au charbon actif (à base de fibre de coco carbonisée), qui élimine presque intégralement toute trace de micropolluants à la sortie des usines de traitement et des stations d’épuration. Mais les stations peuvent être saturées ou tout simplement ne pas exister dans les pays en développement. Des alternatives se développent : l’Inde expérimente depuis plusieurs années un robot autonome pour nettoyer le Gange, fleuve sacré dans lequel des millions d’Hindous se purifient chaque jour. Ce robot est capable de nettoyer 600 kg de déchets par jour, soit près de 200 tonnes de déchets par an. Les ingénieurs qui l’ont conçu estiment qu’avec 50 appareils, cela suffirait à nettoyer la rivière en 6 mois.

Pile Of Plastic Bottles In River Photo - Getty Images © Getty Images- Lasha Tsertsvadze / EyeEm

Des ressources énergétiques renouvelables précieuses. Le fleuve dispose d’une double ressource énergétique : l’une liée à l’énergie des courants communément appelée hydrolienne et l’autre liée à l’énergie thermique c’est-à-dire la quantité de chaleur de l’eau liée à la température du fleuve. Grâce au développement des hydroliennes fluviales, les fleuves produisent désormais de l’énergie hydroélectrique, renouvelable. Les turbines installées au milieu de leur lit sont entraînées par la force du courant et permettent de fournir de l’énergie en tournant, grâce au courant et à la force de l’eau. La ville de Bordeaux a ainsi mis en place la 1ère plateforme européenne d’hydroliennes en cœur de ville grâce à l’effet du courant fluvio maritime régulier de la Garonne à Bordeaux. Des projets se développent également à leur embouchure, avec la mise en place de centrale osmotique où l’énergie est tirée de la différence de salinité entre l’eau de mer et l’eau douce, comme dans le delta du Rhône.

Vers la reconnaissance d’un statut particulier ? Depuis 2017, des fleuves en Nouvelle-Zélande et en Inde sont dotés du statut de personnalité juridique, ce qui en fait des entités vivantes dotées de droits. Il s’agit du Gange, de la Yamuna et du Whanganui. Cela confère aux citoyens un moyen de pression supplémentaire sur les gouvernements pour agir en faveur de la protection de l’environnement, en donnant la possibilité de saisir la justice au nom de l’entité en raison des dommages subis par celle-ci. Un pas de plus vers la reconnaissance des fleuves et du rôle clé qu’ils jouent dans notre écosystème.

Les nouveaux défis du fleuve. Le dérèglement climatique risque de bousculer encore plus le fonctionnement des fleuves et d’exacerber les tensions quant au partage de l’eau entre les pays. Les inondations, les sécheresses, la montée en température ne sont pas sans conséquences en termes de pollution, de qualité écologique et de régulation énergétique des fleuves (baisse de leur débit minimal). Il est encore plus urgent d’en prendre soin !




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