Modification du rayonnement solaire et ensemencement en fer de l’océan pour lutter contre le dérèglement climatique, exploitation des minerais de Mars pour résoudre les pénuries de métaux rares, ou encore production d’énergie solaire à partir de l’espace : depuis plusieurs années, une partie des scientifiques ou entrepreneurs se tournent vers des solutions technologiques toujours plus folles pour répondre aux défis écologiques de notre siècle.
Récemment, une startup s’est faite connaître pour avoir aspergé la stratosphère de particules de soufre censées réfléchir une partie du rayonnement solaire et donc de sa chaleur. Quel programme ! De leur côté, une équipe de chercheurs a publié, en janvier 2023, un article tout aussi prometteur. Leur idée est plus simple : cibler la lune. Sauf que cette fois-ci, n’en déplaise au tube d’Amel Bent, viser la lune ça devrait nous faire très peur. L’objectif de l’équipe : créer un "bouclier solaire" dans l'espace en extrayant de la Lune des millions de tonnes de poussière, puis en l'éjectant vers un point de l'espace situé à environ 1 million de kilomètres de la Terre, où les particules lunaires flottantes bloqueraient partiellement la lumière solaire entrante et donc permettrait en théorie de réduire la chaleur reçue par le soleil et de limiter la hausse des températures. Ils parlent même d’utiliser des projectiles « balistiques » pour l’opération. Quel programme, bis !
Les exemples de ce type ne manquent pas, et ils nous font à juste titre craindre pour l’équilibre de notre planète. Mais qu’en est-il vraiment ? Croire en la technologie, en plaçant notre destin entre les mains de la science et de la technique, est-il un mal en soi ?
Cette croyance en la technologie, c’est ce que l’on qualifie souvent de technosolutionnisme (ou techno-scientisme). Elle repose sur l’idée que, face aux défis que l’humain a contribué à créer (notamment via l’usage de la technique), la technologie a la capacité d’y répondre.
Le nouveau défi auquel nous faisons face, c’est une croyance presque idéaliste dans la capacité de la technologie à nous sauver de la crise climatique. Un peu comme cet entrepreneur américain du film Don’t Look Up qui, à l’approche d’une comète menaçant de ravager la Terre, convainc la présidente américaine qu’il est préférable d’éviter de faire dévier la comète (la solution proposée par les scientifiques pour éviter le désastre) et d’envoyer, à la place, ses propres drones récupérer les minerais présents dans la comète. Une aubaine économique nous dit-il ! Sauf que la mission ne se déroule pas comme prévu…
Des chercheurs ayant exploré différents discours visant à retarder les actions en matière de lutte contre le changement climatique ont ainsi qualifié d’« optimisme technologique » cette famille de discours prêchant qu’il n’est pas nécessaire de s’engager dans des changements importants, puisque la technologie aurait le potentiel de résoudre, à elle seule, la totalité des problèmes climatiques.
Sauf que, pour le journaliste Stéphane Foucart, cette croyance absolue tend à se transformer en une nouvelle forme de climato-scepticisme, en un "technosolutionnisme, une façon d'envisager les choses comme des problèmes que la technique va de toute façon réussir à résoudre". Des scientifiques alertent aussi sur les risques géophysiques de ces nombreuses technologies, appelant ainsi à la prudence : pluie acide, déséquilibre des courants marins et aériens, destructions locales d’écosystèmes, risques pour la santé, menace pour l’équilibre global du climat, etc. Sans parler des risques géopolitiques, comme le dépeint justement le livre de science-fiction “Le Ministère du Futur”, qui nous amène dans un futur proche mêlant géo-ingénierie solaire et tensions militaires.
Selon de nombreux scientifiques, dont Laurence Tubiana, Directrice de la Fondation Européenne pour le Climat, « La priorité, c’est de faire respecter l’accord de Paris sur le climat ». Selon elle, des procédés comme la géo-ingénierie solaire sont « un sparadrap sur notre addiction au pétrole ». La climatologue Valérie Masson-Delmotte, membre du GIEC, les associe à des « soins palliatifs ».
En bref, selon la majorité des experts s’exprimant sur ces questions, l’enjeu n’est pas tant la technologie en tant que telle - qui comme nous l’a rappelé le GIEC est pertinente alliée à plus de sobriété dans la lutte contre le dérèglement climatique - mais la croyance absolue en leur capacité à résoudre tous nos problèmes. Résisterons-nous à la tentation de miner la lune ou d'asperger l’atmosphère de particules réfléchissantes ?