Si vous êtes fidèles de Culture Green, vous savez que pour réussir à limiter la hausse des températures en-dessous des 2 degrés, notre mission à tous consiste à réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre générées par l’activité humaine. L’urgence est d’en produire beaucoup moins. Mais pour lutter contre les émissions que l’on ne peut pas supprimer, appelées « émissions résiduelles », il est possible d’agir pour augmenter nos capacités à les « capturer ».
La démarche dite de compensation carbone consiste à mettre en place des projets de réduction d’émissions ou de capture, mais aussi de séquestration du carbone. Il existe deux systèmes de compensation carbone : l’un, lié au protocole de Kyoto, engage les Etats qui y ont souscrit ; l’autre, le marché des compensations volontaires, est ouvert aux particuliers, collectivités locales, petites et moyennes entreprises décident d’en être acteurs sans être contraints.
Les Etats signataires du protocole de Kyoto, comme les grandes entreprises de ces Etats, financent des projets de réduction d’émission de gaz à effet de serre à l’étranger en échange de crédits carbone, c’est-à-dire de « droits à polluer ».
Si vous êtes un particulier, vous pouvez décider de compenser vos émissions de CO2 liées à votre chauffage ou vos déplacements en finançant des programmes comme l’agriculture régénératrice ou la reforestation. Les émissions de CO2 sont converties en crédits carbone qui sont achetés pour contribuer à la baisse de notre empreinte carbone. Attention, les projets doivent être certifiés par un organisme et répondre à 4 critères : l’additionnalité, car chaque projet doit réellement éviter des émissions en plus, liées au financement du projet ; l’auditabilité, car les projets sont audités ; la mesurabilité, car les gains doivent être mesurés ; enfin, il ne peut y avoir de double paiement. On ne peut pas utiliser deux fois le même projet pour viser la neutralité carbone.
Alors, si je « compense » ma tonne, je ne pollue plus du tout ? Hep, pas si vite !
Tout d’abord, attention aux dérives de « blanchiment écologique ». Il serait un peu facile de se sentir libre d’acheter sans réfléchir le dernier smartphone sous prétexte que l’on a contribué à la reforestation de l’Amazonie ! L’idée n’est pas de compenser financièrement la pollution que l’on génère, ce qui pourrait donner à penser qu’on dispose d’une sorte de « crédit » ou de « droit à polluer », mais bien de diversifier nos moyens d’action pour faire la guerre aux vilains gaz à effet de serre.
Par ailleurs, compenser reste moins engageant que changer de comportement. Augustin Fragnière, chercheur spécialisé dans les questions d’éthique environnementale est l’auteur de La compensation carbone : illusion ou solution ? Alors que la F1 vise par exemple la compensation des émissions produites lors des Grand Prix, le spécialiste considère que « la compensation permet de continuer à exalter la voiture, et indirectement les énergies fossiles, tout en exprimant son souci de l’environnement ». Compenser, ce n’est pas la panacée…
Nombre d’organisations, et maintenant des particuliers, abordent cette démarche avec sérieux. Compenser ses émissions de carbone ne s’improvise pas. Première étape, il faut d’abord être capable de mesurer ses émissions. Les entreprises réalisent leur bilan carbone, les particuliers peuvent calculer leur empreinte carbone via le calculateur en ligne de l’Ademe. Deuxième étape, chercher à réduire ses émissions, via la mise en place de plan d’action de réduction et l’adoption de nouveaux comportements qui visent la sobriété. Rien ne sert en effet de compenser ses émissions si l’on ne cherche pas d’abord à les réduire. Troisième étape, enfin - lorsque l’on a « tout essayé » -, compenser ses émissions. Cela implique de financer le nombre de tonnes de CO2 qui correspond à l’empreinte carbone complète.
Par exemple, une entreprise qui a une empreinte carbone de 3 000 tonnes de CO2 une année donnée peut compenser cette empreinte en finançant des projets qui vont permettre de réduire ou capturer 3 000 tonnes de CO2. En France, le groupe La Poste s’est engagé très tôt en comptabilisant et réduisant les émissions liées à ses activités. En finançant des projets de contribution carbone, La Poste contribue à la neutralité carbone collective à hauteur de ses émissions depuis 2012 et fait figure de précurseur via le financement de projets français du Label Bas Carbone. Le stockage du carbone dans les sols est encouragé par l’initiative « 4 pour 1000 ». Si l’on augmente de 0,4 % par an la quantité de carbone contenue dans les sols, on stoppe l’augmentation annuelle de CO2 dans l'atmosphère, en grande partie responsable de l’effet de serre et du dérèglement climatique. Une autre forme de compensation.
Si la plupart des projets de reforestation, de conservation de forêts, d’économies d’énergie sont situés dans les pays qui abritent de grandes forêts tropicales, véritables puits de carbone - comme le Brésil, l’Indonésie ou la Côte d’Ivoire -, il est possible, depuis 2019 et la création du Label Bas Carbone par le Ministère de la Transition Ecologique, d’acheter des crédits carbone en France. Concrètement ce Label permet à des porteurs de projets de faire certifier les réductions d’émissions ou de séquestrations de carbone permis par des projets et d’y associer des crédits carbone. Ces crédits seront ensuite vendus à des entreprises, des collectivités ou des citoyens qui veulent compenser leurs émissions résiduelles. VCS et Gold Standard sont d’autres labels qui peuvent guider entreprises et particuliers pour s’assurer que les projets répondent aux normes et critères en vigueur. Les particuliers peuvent se tourner vers la Fondation GoodPlanet pour compenser leurs émissions et agir ainsi en faveur du climat ou vers la plateforme Stock CO2 pour soutenir l’agriculture et la forêt française .
Le prix d’un crédit carbone dépend du type de projet, sa taille, sa localisation, la méthodologie d’implémentation, ainsi que de l’offre et la demande. Le prix moyen se situe entre 10€ et 500€ la tonne de CO2. Pour certains projets d’énergies renouvelables, le prix peut être inférieur à 10€. Des projets de transformation industrielle ou d’économie circulaire s’évaluent entre 30 et 100€. Des projets de capture de CO2 technologies complexes se chiffrent au-dessous de 100€ la tonne.
Finalement, vous l’aurez compris, la compensation carbone ne peut être qu’un outil de dernier recours pour les émissions dites « incompressibles ». Etat, entreprises ou particuliers, il faut respecter l’ordre suivant : éviter, puis réduire et enfin compenser les émissions. Si la reforestation, la restauration des sols ou la séquestration artificielle permettent de stocker une partie du carbone généré par l’activité humaine, les rejets de gaz à effet de serre sont tellement élevés qu’elles ne suffisent pas à elles seules à absorber le CO2 produit. Une solution : réduire drastiquement nos émissions car le CO2 non produit n’a pas besoin d’être capté ! Et n’oublions pas qu’agir coûtera moins cher que l’inaction, comme nous l’avons démontré dans l’un des précédents Green Zoom.