Commençons par le commencement : qu’est-ce que la « vie marine » ? La vie marine est constituée de la faune, de la flore et de l’écosystème marin, à l’image des récifs coralliens ou des mangroves, dont les fonctions écologiques sont essentielles car ils offrent un habitat et de la nourriture à de nombreuses espèces.
Essentielle à la vie sur terre, la biodiversité marine fournit 50 % de l’oxygène que nous respirons et absorbe environ 25 % des émissions carboniques liées aux activités humaines. En plus de nous permettre de respirer, elle garantit la sécurité alimentaire de nombreuses populations. C’est dire l’importance de la préserver…
Connaissez-vous les îles Galapagos, situées au milieu de l’océan Pacifique ? Cet écosystème marin, l’un des plus riches au monde après la Grande Barrière de Corail, abrite une réserve marine explorée par nombre de scientifiques sur une superficie de 133 000 km2 tout autour de l’archipel. La mangrove, flore marine qui couvre 35 % de la côte de l’archipel, assure des services écosystémiques - les biens et services procurés par la nature - essentiels : elle protège les côtes contre l’assaut des vagues et limite les risques de catastrophes naturelles dus au changement climatique. Elle procure aussi de nombreuses ressources pour les populations animales et humaines qui vivent à proximité. Elle contribue au cycle du carbone par sa fonction de pompe de stockage d’une grande proportion de carbone. Elle aide ainsi à atténuer et minimiser les changements climatiques. A l’échelle mondiale, on estime que les écosystèmes de mangroves constituent une source importante de nourriture pour plus de 210 millions de personnes. Précieuse vie marine…
Mais la biodiversité marine est gravement menacée avec des océans considérés trop souvent comme la poubelle de la Terre. La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), organe intergouvernemental créé en 2012 et comptant aujourd'hui 132 États membres (un équivalent du GIEC pour la biodiversité), estime que la biodiversité marine est mise en danger par la pollution, le dérèglement climatique et la surpêche. Et en la matière, les illustrations ne manquent pas !
La surpêche se développe sur toutes les mers et océans. Nous prélevons trop dans le milieu naturel sans laisser au cycle naturel de reproduction des espèces suffisamment de temps. Certaines espèces sont victimes de leur succès : la morue de Terre-Neuve, la sardine ou encore le thon rouge (espèce aujourd’hui protégée). Or chacune de ces espèces joue un rôle primordial dans son écosystème. Par exemple, la morue et le thon, super-prédateurs, régulent les populations de petits poissons. Affaiblir un maillon de la chaîne alimentaire, c’est avoir un impact sur le reste de la chaîne. Ceci, sans compter que les pêcheurs locaux sont eux-aussi victimes de la surpêche : ils voient leur volume de pêche diminuer chaque année, ce qui met en péril toute l’activité.
La pollution plastique dans les océans a atteint des « niveaux sans précédent » depuis 15 ans. Une étude chiffre à quelque 170 000 milliards le nombre de morceaux de plastique à la surface des océans - l’équivalent de 2,3 millions de tonnes -, principalement des microplastiques, mais aussi un océan de plastiques qui comptent pour 80 % des macro déchets circulant dans les océans, allant jusqu’à former ce que l’on appelle désormais un « 7e continent » (nous avons d’ailleurs consacré un quiz à ce sujet). Cette pollution modifie et détruit les écosystèmes et les espèces. Enfin, le réchauffement climatique et l’élévation de température modifient les aires de répartition de la population marine animale ou végétale et changent les propriétés de l’eau, mettant en péril l’ensemble de l’écosystème marin. La Grande Barrière de corail australienne, plus grande structure vivante de la planète, est ainsi en péril sous les effets conjugués dévastateurs du dérèglement climatique et des pollutions.
Difficile d’être optimiste pour la vie marine en 2050. 2050, c’est dans à peine 25 ans. Pourtant, selon une étude internationale publiée dans la revue scientifique Nature en avril 2020, entre 50 et 90 % de la vie marine pourraient être « restaurés » en l'espace de 30 ans, moyennant une série d’interventions telles que la protection des espèces, la pêche responsable, la restauration des habitats, la réduction de la pollution et l’atténuation du dérèglement climatique. En effet, le réchauffement climatique modifie la circulation des courants océaniques, perturbant l’équilibre de la biodiversité marine et accentuant la pression sur les récifs coralliens.
Là encore, soyons précis sur les termes. S’il n’est pas possible de « restaurer » la vie marine, nous pouvons contribuer à restaurer les conditions permettant à la vie marine de retrouver un nouvel équilibre. Concrètement, cela signifie réduire et lever les pressions qui empêchent la bonne dynamique des fonctions écologiques de la vie marine : la reproduction, la nutrition, l’habitat, la nurserie. Cela implique de réduire la pollution anthropique liée à l’activité humaine, donc de maîtriser la surpêche, de réduire l’impact négatif du tourisme, de réduire à la source les macrodéchets et les pollutions littorales et maritimes en haute mer ; et d’agir pour réduire le réchauffement.
L’un des paramètres cruciaux pour rendre son éclat à l'océan est l'atténuation du dérèglement climatique, notamment la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pour cela, il faut décarboner vite et massivement nos modes de production et de vie (remplacement des énergies fossiles par des énergies renouvelables, développement de la production locale d’énergie peu carbonée et sobriété énergétique).
Il ne tient également qu’à nous, humains, de nous ranger du côté du milieu marin et de ne pas traiter la mer comme une poubelle. Les solutions existent pour réduire la pression des pollutions anthropiques qui arrivent dans le milieu marin. Elles vont de l’adoption de comportements responsables et sobres de la part de chacun, particuliers, entreprises et collectivités locales, à des innovations technologiques.
Tout d’abord, les stations d’épuration, comme celles construites et gérées par Veolia, permettent d’éviter de renvoyer des eaux usées brutes, c’est-dire non traitées, à la mer, car elles sont néfastes pour la qualité de la vie marine. L’objectif est d’atteindre le zéro rejet d’eau brute en mer. Les efforts et l’efficacité des traitements des stations d’épurations en zones littorales ont déjà permis d’améliorer la qualité de l’eau rejetée au milieu naturel côtier, mais il faut aller plus loin.
Par ailleurs, la vie marine se développe dans son milieu naturel, donc salé. La réutilisation des eaux usées traitées est une solution qui permet de réduire l’eau douce rejetée en mer ou dans l’océan tout en économisant la ressource en eau douce à l’heure où la sécheresse ne cesse de gagner du terrain.
Autre solution, réduire drastiquement les déchets flottants, notamment plastiques en s’assurant de leur bonne collecte et recyclage partout où cela est possible… Environ 90 % des plastiques qui rejoignent les océans proviennent de seulement 10 fleuves dans le monde. L’important est donc bien de stopper cette pollution à la source. Les plastiques biodégradables sont quant à eux une fausse bonne idée : ils finissent en fait en confettis dans la mer. Ils ne sont biodégradables que dans un environnement industriel. Un rapport de l'ONU concluait en 2015 que l'adoption des plastiques biodégradables "n'entrainerait pas une baisse significative de la quantité de plastiques dans les océans ni des risques d'impacts physiques et chimiques sur l'environnement marin".
La mise en place d’un système de navigation plus propre contribuera également à un nouvel équilibre de la vie marine. Aujourd’hui, le chargement et le déchargement d’eaux de ballast non traitées, essentielles à la sécurité des navires, menacent l’environnement, car les navires deviennent un vecteur de transfert et de propagation d’espèces aquatiques exotiques envahissantes.
De même, la décarbonation du transport maritime, en cours, participe des solutions.
Autre approche, repenser la conception de nos infrastructures côtières et marines. De récentes innovations permettent réduire les nuisances sonores des fondations en milieu maritime, notamment celles des éoliennes en mer et leur impact sur les écosystèmes marins. Pour le moment, ce n’est pas systématiquement le cas, et les cétacés (orque, béluga), sensibles à la pollution sonore sous-marine qu'elles génèrent, fuient ces espaces.
Vous l’aurez compris, nous avons les moyens de contribuer à restaurer les fonctionnalités écologiques du milieu marin, donc de la vie marine. Il n’en reste pas moins que le temps du vivant, et encore plus celui de la restauration, est un temps long. Comme pour la lutte contre le dérèglement climatique, les engagements doivent être pris aujourd’hui pour des résultats que les générations futures pourront apprécier. A nous tous d’être responsables afin que les enfants qui naîtront dans 50 ans puissent s’émerveiller de la beauté de la vie marine… et de la vie terrestre qui en dépend !